jeudi 19 février 2009

De Pontal de Coruripe à Salvador de Bahia

C'est après une longue réflexion, murie au long des dernières semaines que ... j'ai décidé de raccrocher le vélo après Salvador de Bahia. En effet, après Salvador, je vole direct en Argentine, puis au Chili quelques semaines plus tard. Deux énormes pays. Et plein de choses à voir. De grandes distances à couvrir, en bus, en avion, en bateau. Il y a certains endroits que j'aimerais faire à vélo, mais globalement, ces pays me semblent inadaptés au vélo tel que je le conçois. Il me semble que je m'ennuierais à couvrir de grandes distances monotones dans ces pays, et que je passerais à côté de sites intéressants, mais trop loin, pas sur ma route. Donc je raccroche le vélo, et il va falloir que je me ré-habitue au bus !

Un grand regret: ne pas faire le Salar de Uyuni (Bolivie) en vélo. J'aimerais trouver un moyen original de le traverser. A cheval ? :-) Aussi, cela m'aurait plus de descendre la soit-disant "Most Dangerous Road in the World" à La Paz en Bolivie, avec mon propre vélo et mon sac sur le porte-bagages, au milieu des touristes qui la descendent sur des vélos de locations en guide d'activité touristique "extrême".

Donc en partant de Pontal de Coruripe, je sais (enfin ... je crois) que je n'ai plus que 5 jours de vélo. En fait, il ne me reste que deux jours, mais je ne le sais pas encore.

Je quitte donc Pontal de Coruripe, après un ultime petit-déjeuner pantagruélique chez Ada.

C'et marée haute, mais pour m'éviter 25 km de route contournant la baie, je pousse le vélo sur le sable meuble sur 1km, pour prendre un bateau sur le bord du fleuve.

Il me semble que c'est le plus petit bateau sur lequel mon vélo ait posé ses roues. J'ai eu peur qu'on parte à la baille:

Puis la route est longue et monotone. Entrecoupée par un petit tour en bateau très agréable de vingt minutes sur l'immense Rio São Francisco.

Je crois alors que toute la route va être aussi monotone jusqu'à ma ville-étape, lorsque soudain, après 66 km, mon plan de route me fait bifurquer vers une piste. Et quelle piste !! Une des moins agréables. Avec ces petites bosses transversales en forme de vaguelettes, formées par les voitures et leurs amortisseurs, qui me donnent l'impression de rouler sur des minis dos-d'âne en permanence. En plus, pas de bol, j'ai oublié ma bouteille d'eau dans le congélateur du resto à midi, et j'ai TRÈS soif.

A priori j'ai 40 à 50 km à faire comme ça. J'espère que je trouverai de l'eau.

Et là, c'est le drame (pas de panique: petit, le drame). Ma chaîne qui commence à montrer des signes de faiblesse, "saute" régulièrement, c'est à dire qu'elle glisse sur les dents des pignons (eux aussi passablement élimées par le sable). Cela produit un brusque mouvement accéléré du pédalier. Mon pied, surpris, glisse, et se positionne pas très délicatement entre la pédale et les gravillons acérés de la piste (je suis en tongues, donc je ne suis pas protégé. Oui, je sais, c'est pas malin, mais il fait 30 degrés. Et puis à 12 km/h sur la piste, je ne pensais pas risquer la mort).

Résultat: un gros trou bien profond sur l'orteil gauche, du sang, et comme je suis un peu douillet, une douleur intense. Le bonheur dans mon malheur: un bar de poivrots apparaît 100 mètres plus loin. Je commence par demander une bouteille d'eau filtrée (pas d'eau minérale ici, c'est un bar de poivrots, donc il n'y a que de la bière, et pas d'eau). Puis je nettoie au savon ma blessure, puis la panse.

Je chausse mes tennis pour protéger le pansement, et ça fait drôle, ça faisait 2 mois que je ne suis qu'en tongues.

Cette piste est vraiment horrible. Il reste encore 30 à 40 km. Ça va être dur et je risque même d'arriver après la nuit. Plusieurs personnes me conseillent de passer par la plage.

Je bifurque donc vers la plage et parcours 4km dans les dunes (grrrrrrr!), puis c'est le bonheur ! 33 km de plage déserte, magnifique, dans les couleurs du soleil couchant, sur un sable très dur et une vitesse de croisière à 22 km/h ! "I'm a poor lonesome cow-boy, a long long way from home !" Mais un cow-boy heureux !

Une photo dont je ne suis pas peu fier:


Sur mon chemin, de nombreux crabes s'enfuient devant mes roues pour se mettre à l'abri dans leur trou dans le sable. Sauf un, qui se dresse sur ses pattes, et me menace de ses terribles pinces. Intrigué, je m'arrête, et en fait il s'agit non pas d'un crabe, mais d'une crabe, et elle est enceinte (oeufs jaunes près de son postérieur)!


Et j'arrive, presque à regret de quitter cette plage solitaire, à la nuit tombante, à Pirambu, un village quelconque.

Infos vélo: de Pontal de Coruripe à Pirambu
Kilomètres du jour: 114
Kilomètres cumulés: 4723
Départ: 7h40
Arrivée: 17h30
Temps sur le vélo: 6h30
Temps sur la route: 9h50
Vitesse moyenne: 17 km/h
Vitesse max: 36 km/h


Le lendemain, je remonte sur Joly Jumper mon vélo, sans savoir que ce sera ma dernière journée. J'arrive maintenant aux abords de l'état de Bahia, et la route est extrêmement passante, ce n'est vraiment pas agréable. La chaîne saute de plus en plus: chaque 3 tours de pédale (dans les montées) ; je dois la changer ce soir absolument. La route est loin de la mer, et je me fais 20 km sous la pluie. Et 20 autres kilomètres dans un pick-up qui a bien voulu me ramasser dans une station-service. Bref, loin de l'aventure, au milieu des voitures, la motivation baisse.

En arrivant à Estância (autre ville quelconque), je pèse le pour et le contre, je regarde la météo des prochains jours (pluie pluie et pluie), et réalise que plus j'avance vers Salvador (2 millions d'habitants) plus les routes vont être passantes. Je décide alors de zapper les 3 derniers jours de vélo et de prendre un bus pour Salvador de Bahia le lendemain matin.

Infos vélo: de Pirambu à Estância
Kilomètres du jour: 89
Kilomètres cumulés: 4812
Départ: 7h30
Arrivée: 15h30
Temps sur le vélo: 5h30
Temps sur la route: 8h00
Vitesse moyenne: 16 km/h (oulà, pas motivé aujourd'hui !).
Vitesse max: 47 km/h


Levé 5h30, bus à 6h30, j'arrive à Salvador à 10h, chez Alex, un brésilien du site de Couch Surfing. Il habite en périphérie de la ville, à 30 km du centre, mais à 3 minutes de vélo du comptoir d'enregistrement de l'aéroport, ce qui sera bien pratique pour prendre mon avion à 7h lundi.

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