dimanche 22 février 2009

Carnaval de Salvador de Bahia

Et là, c'est le choc.

Le choc du passage entre deux mondes. Le monde des petits villages, des hamacs sur les îles, des petits bateaux sur les petites rivières.

Et le monde urbain, l'enfer automobile, le bruit, la vie trépidante d'une agglomération plus grosse que Paris.

Voulant me rendre dans le centre en vélo (30 km, de la rigolade), je suis les panneaux "Centre Historique" pour me retrouver, après une longue courbe, à mon point de départ. En voulant repasser de l'autre côté de la 2 fois 8 voies (baaaaah, j'exagère!), je m'écorche le gras du gros orteil droit sur le trottoir. Bien entamé, ça saigne. Comme ça, les deux pieds ne sont pas jaloux l'un de l'autre. Je rentre donc pour nettoyer et désinfecter la blessure, et ce sera la fin de Nico-a-velo contre Goliath-Salvador.

C'est alors avec les deux pieds blessés que j'aborde joyeusement le Carnaval. Alex accueille 5 autres couchsurfers (australien, portugais et polonais) dans son petit 25 m2, et c'est donc à 7 que l'on se rend dans l'un des trois quartiers carnavalesques.

Le carnaval de Salvador est d'avantage basé sur la musique que sur le spectacle, les paillettes et les marionnettes géantes. Les gens déambulent dans les rues en dansant au rythme de la musique prodiguée par les Trios (ou bandas, ou blocos) qui passent, c'est à dire des semi-remorques tapissés de haut-parleurs, avec un orchestre sur la plate-forme. Les brésiliens connaissent les morceaux par coeur et chantent à tue-tête, un peu comme si chez nous les musiciens jouaient du Renaud, du Téléphone, du Dutronc ou du Johnny (pick your favorite).

Chaque Trio est plus ou moins connu et plus ou moins populaire. Pour nous ignares étrangers qui ne connaissons pas les Renaud et Téléphone brésiliens, les Trios se suivent et se ressemblent. Soutenu par des dizaines de travailleurs de l'ombre, un cordon de protection entoure le cortège, cordon à l'intérieur duquel dansent des gens, en costume, qui ont répétés pendant des semaines ou des mois. Certains Trios sont composés principalement de gens assez âgés. C'est assez particulier. Un peu comme si ma grand-mère allait danser la samba en costume à plumes toute la nuit en tête d'un cortège à 150 dB. Car la sono est assourdissante. Alors que le Trio est encore à distance, ça va. Mais quand le Trio passe à côté de nous, les tympans vieillissent à vue d'oeil (à vue d'ouïe?). Je pense d'ailleurs que c'est un problème sanitaire d'importance. La cage thoracique commence à vibrer, et alors que le Trio s'approche très lentement, la vibration monte vers le coeur et la gorge, tout en vrillant les tympans.


Mais un autre problème sanitaire de premier ordre, et je pense que le monde devrait en prendre connaissance, et que l'ONU devrait envoyer des missions humanitaires, c'est le manque cruel de soutien-gorge au Brésil ! Il y a urgence ! Je ne sais si c'est un problème de disponibilité des matières premières, de fabrication, d'acheminement ou de distribution, mais le soutien-gorge est visiblement une denrée rare qu'il est difficile de se procurer ! Quasiment personne n'en porte, c'est une vraie calamité !

Bon, cessons le mélodrame et revenons à des choses plus légères... A l'intérieur du cordon, on trouve aussi des gens du public qui ont payé cher pour suivre le Trio toute la soirée, dans l'environnement sécurisé du cordon. Sur la plate-forme, une dizaine de musiciens, dont au moins la moitié de percussions. Boum, boum, boum. Et quelques danseuses à paillettes et costume, ou parfois complètement nues, mais recouvertes de body-paint. En dehors du cordon, c'est la foule, compacte, et ses mouvements incontrôlés. De temps en temps, une baston se déclenche. Sont-ce des vraies bastons, ou sont-elles organisées pour semer le trouble et pour que les pickpockets fassent leur travail? L'un d'entre nous, fraîchement débarqué de l'avion en provenance de Vienne, s'est fait délester de l'équivalent de 70 euros pendant un mouvement de foule dû à une baston (mais que faisait il avec 70 euros dans un carnaval, hein ? Alors que la bière coûte 60 cents?). En tout cas, les pickpockets bossent toute la soirée. Chacun de nous s'est fait fouiller les poches plusieurs fois.


Le public regarde les Trios passer, la plupart en dansant, et de façon soit très tribale, soit très sensuelle, très suggestive, très sexuelle, et ce de 7 à 77 ans (littéralement). La bière coule à flot (4 millions de litres par jour d'après Wikipedia, c`est à dire 8 fois plus que pendant l'Oktoberfest de Munich). Une grande fête populaire. 2 millions de personnes dans la rue ! Pour ma part, avec mon âge avancé, la sono à fond, mes tympans vieillissants, mes pieds en lambeaux sanguinolents (j'exagère toujours un peu ...), la foule oppressante, les pickpockets et les bastons qui ne mettent pas une atmosphère aussi joyeuse que je le souhaiterais, 3h de carnaval m'ont suffit. Mais c'était intéressant à voir. Les autres festoient toute la nuit, jusqu'au petit jour.


Le 2e jour, rebelote. La Star du jour est Ivete Sangalo, la Reine brésilienne de l'axé, l'un des courants musicaux brésilien le plus populaire. Les gens suivent le Trio et sont hystériques. Un peu comme si Mylène Farmer donnait un concert place de la Bastille lors de la fête de la musique. Les pickpockets sont à la fête. L'un d'entre nous se fait délester de son téléphone portable, un autre de son appareil photo. Moi on me fait les poches (sans succès) alors que je cours au milieu de la foule pour essayer de repérer la moitié du groupe qui nous a perdus. Sympa l'ambiance !

Le dernier jour, je pensais en avoir soupé, du Carnaval. Je me rends dans le Centre Historique, le Pelourinho, en pensant visiter tranquille les vieilles ruelles et les antiques églises, loin de l'agitation générale. Raté ! Le Pelourinho est le troisième lieu du Carnaval.


Mais cette fois c'est une bonne surprise: ici, pas de Trios, pas de foule en délire, pas de sono assourdissante, pas de pickpockets. Rien que des petites fanfares de rue, et des petites scènes musicales ici et là, parfois dans des petits patios intérieurs un peu cachés. Que des gens heureux, dansants, même sous la pluie battante, de la bonne musique que l'on peut découvrir sereinement sans se faire faire les poches ni perdre ses amis ! Un bonheur ! J'ai même dansé le forró, courant musical populaire du Nord-Est brésilien à base de tambour, triangle et accordéon !



Les caipirinhas ont fait leur oeuvre:


Aucun commentaire: