lundi 8 septembre 2008

En prison à Cuba

Aller en vacances à Cuba, c´est un peu comme aller en vacances en prison. Une bien belle prison, certes. Mais une prison quand même. De part le fonctionnement de la prison, on peut difficilement avoir des contacts avec les autres tauliers, et les mâtons sont, pour la plupart, pas très sympas, même s´il y a bien sûr des exceptions. Comme toute prison, on n´est pas libre d´aller et venir à sa guise, et il règne une sorte d´apartheid: il y a un quartier de haute sécurité pour les locaux, et un quartier moins sécurisé pour les étrangers, mieux traités (les cellules sont confortables, mais ils doivent payer à coups de dollars leur présence).

Bref, j´y reviendrai...

Ce qui m´occupe le plus l´esprit dans l´avion qui survole la Mer des Caraïbes (on survole la Mer que l´on mérite!), c´est le cyclone qui est annoncé sur Cuba et La Havane.

Tout en pensant au cyclone, je survole les îles Caïmans (au sud de Cuba), de toute beauté, puis La Isla Grande (Cuba) proprement dite. Et ... c´est vert ! TROP vert ! Qui dit vert dit NUAGES. Et qui dit nuages dit PLUIE (parole de Normand)! Moi on m´avait dit qu´il faisait soleil, à Cuba, pas pluie ! Pas bon pour le vélo, ca !

Atterrissage à Cuba: ouf, le cyclone ne nous a pas obligés à nous dérouter. Alors que l´avion décélère sur la piste, je vois près des hangars des avions aux couleurs d´AirLib ! Ils ont refilé leurs avions aux Cubains après avoir fait faillite?

A la Havane, après n´avoir vu mes amis Eric, Yori et leur bébé Jacques qu´une paire d´heures (Eric se tord d´une douleur à l´estomac et s´alite rapidement), je me promène dans les rues et le long du Malecón (bord de mer). Le vent est déjà fort, la mer agitée, des vagues se jettent par dessus la digue pour s´écraser sur la route. C´est le cyclone qui s´annonce.

Les gens font des réserves dans les magasins, la plupart des bureaux ont déjà fermé après avoir barricadé leur vitrine pour la protéger des vents. Dans ma pension, "Radio reloj" donne l´heure toutes les minutes (ça existe donc même en dehors des chansons de Manu Chao) et les news en permanence. Le cyclone est annoncé pour le lendemain matin, 10h.

Extrait de Radio Reloj.
(format amr)

Le lendemain, à 8h30, je change de pension: la mienne, officielle, est trop chère ($35) et j´opte pour une autre à 3 pâtés de maison, réservée aux Cubains (j´entre donc dans l´illégalité), à $20. En transférant mes affaires, j´observe que le vent est déjà fort, des câbles électriques sont déjà tombés (ils ont d´ailleurs coupé l´électricité en prévision des dégâts) et des branches tombent.

Des patrouilles de la garde civile font leur job (ils patrouillent) en annonçant dans leur parlophone les consignes : ne pas sortir de chez soi, ne pas paniquer, ne pas toucher les câbles tombés à terre, etc.

A 10h, le vent tombe. L´oeil du cyclone est relativement proche, mais il ne passe pas vraiment par la Havane. En revanche, une pluie torrentielle s´abat sur la ville. La route devant ma pension est inondée:


Quelques heures plus tard, le cyclone est passé, et le vent se relève et la pluie continue de tomber, plus ou moins fort en fonction du passage des différents "bras" du cyclone. Le soir venu, ca se calme un peu, et je sors pour ne pas devenir fou à force d´enfermement.

De retour dans ma pension, l´ambiance est surréaliste. L´électricité est toujours coupée (et le restera pendant 2 jours), alors on tourne aux bougies au son de "Radio Reloj".

Un cyclone a au moins quelques avantages:
- Pas de bruit tôt le matin, car pas de circulation (tout le monde reste chez soi).
- Pas de bruit le soir (les gens ne font pas la fiesta dans la rue).
- Le bruit de la pluie à la lueur des bougies, c´est romantique.
- La dueña de ma pension me fait des bons petits plats, car les restos et magasins sont fermés.
- Je peux enfin faire tout ce que je n´ai jamais le temps de faire : travaux de couture sur mes affaires détériorées, lecture, étirement de mes muscles endoloris, jouer de la guitare, faire la sieste.

Evidemment, les inconvénients sont infiniment plus sérieux et ont infiniment plus de conséquences dramatiques sur les habitants.

L´électricité est coupée dans tout le pays pendant au moins 2 jours, voire 5 jours dans certaines régions. Les dégâts vont de quelques câbles et arbres au sol, à bien pire: des toits vétustes qui s´effondrent, par exemple, avec des blessés ou des morts. Des problèmes d´approvisionnement, dans un pays déjà dans un système de rationnement. Inondations, routes coupées. L´heure n´est pas à la fête.

Le pays a une double économie basée sur deux monnaies: le peso nacional, utilisé par la plupart des cubains, et le peso convertible, utilisé par les touristes et les quelques cubains qui ont la chance de gagner suffisamment d´argent pour en avoir. Un peso convertible (environ $1) vaut 24 pesos nacionales. En plus d´un toit, de la sécu et de l´éducation, l´état donne à tout salarié cubain entre $10 et $15 par mois. Le prix d´UN mojito sur la Côte d´Azur. Et le prix de QUATRE mojitos à Cuba, d´ailleurs.

Car, contrairement, à ce qu´on peut croire, Cuba n´est pas un pays bon marché. Beaucoup de produits sont très chers pour nous, et hors de prix pour les locaux. Une bouteille d´eau : $0.6. Un litre de lait : $2. Un litre d´huile: $2. Un mojito: $3.

D´autres produits coûtent, pour les cubains et les touristes, relativement peu: céréales, légumes, fruits, sandwiches de rue à $0.04.

La dueña de ma pension s´imagine qu´en Europe, on gagne "au moins" 300 ou 500 € par mois, mais "[elle] ne veut pas savoir exactement".

Les bus, les campings, les trains, les musées sont moins chers pour les cubains, mais tous les autres produits ou services sont au même prix. C´est déjà cher pour nous, alors pour eux ...

Ils ont donc le strict minimum pour vivre (maison, éducation, santé, carte de rationnement, et $15 pour les courses), et ce n´est pas assez, donc quasiment tout le monde a un 2e job, soit pour manger à sa faim, soit pour quelques maigres extras pour ceux qui ont déjà la chance de manger à leur faim. Ils peuvent ainsi doubler ou tripler leur salaire.

Dans la solitude de ma prison dorée, je me mets à penser aux douces soirées dans la chaleur du cocon familial, à Caen ou dans un chouette chalet à Sixt-fer-à-cheval ou dans un accueillant gîte alsacien, avec du Sauternes ou un Saint-Nicolas-de-Bourgueil, auprès d´un feu de cheminée, en compagnie d´un foie gras, que dis-je, LE foie gras, celui qui est tellement bon qu´il constitue parfois le plat de résistance du repas.
Tiens, je deviens nostalgique d´un coup !

Enfin bon, bref, à La Havane, même le lendemain, tout est fermé pour cause de cyclone, donc je me balade pour voir les monuments visibles de la rue, dont le fameux "Hasta Siempre" du Che en face du monument Martí sur la Plaza de la Revolucíon:

Dans tout le pays, on voit du Che Guevara, du Camillo Cienfuegos, du José Martí et du Fidel Castro, avec des slogans du genre:
"La revolucíon es el sentimiento del momento historico"
"La revolucíon es humanidad, solidaridad, desinterés, altruismo, ..."
(c´est joli écrit comme ça !)
"Socialismo o muerte"
"El socialismo es una fuerza mas poderosa que la naturaleza" (en référence aux cyclones... les cubains apprécient je suppose).

Enfin, bon, n´étant pas sûr que les monuments et musées ouvrent le 2e jour après le cyclone, je prends la route.


Vers Matanzas:

Je longe le Malecón, traverse la Havane, prend un ferry pour passer de l´autre côté de la Bahia, je longe les Playas del Este, puis arrive à Matanzas, où la lumière n´est toujours pas rétablie, 3 jours après le passage du cyclone. Pas grand chose à y faire, mais la journée de vélo était chouette.



Infos vélo:
Kilomètres du jour: 106
Kilomètres cumulés: 604
Départ: 9h45
Arrivée: 19h00
Temps sur le vélo: 6h30
Temps sur la route: 9h15
Vitesse moyenne: 16km/h (forts vents contraires, restes du cyclone)
Vitesse max: 46km/h


Vers Cardenas:

Alors que je reprends la route et que je passe (sans m´arrêter) les plages paradisiaques (mais ultra-touristiques) de Varadero, mon esprit vagabonde et ma solitude m´amène à penser à toutes les bonnes choses que j´ai laissées: ma douce Hélène, les bons brunches à Saint-Paul de Vence ou dans le Marais, les moules-frites à Langrune sur mer, les picnics sur la Plage des Ondes, marcher pieds nus sur les aiguilles de pins dans les Landes, entre une partie de Mah-jong et un Ricard bien frais, un plateau de fruits de mer après une bonne pièce de théâtre en charmante compagnie, une journée plage au bout du monde (au bout de la Côte d´Azur en tout cas) à Théoule sur Mer.
On dirait décidément que Cuba me rend nostalgique !

Cardenas est le seul endroit où je rencontre des vrais cubains: la cuisine du resto que j´avais choisi était censé avoir arrêté de servir. J´insiste un peu, et on m´amène un super plat que je prends au bar, à côté de 4 cubains qui picolent et rigolent. On fait connaissance, et on est resté finalement tard après la fermeture du resto, car ce sont des amis du serveur. Ils s´enfilent shot de whisky après shot de whisky (du J&B pur, beuuurk), tout en s´enflammant dans une discussion pour savoir si le Cabernet Sauvignon est meilleur que le Merlot, ou pas !!

Infos vélo:
Kilomètres du jour: 48
Kilomètres cumulés: 652
Départ: 9h15
Arrivée: 12h30
Temps sur le vélo: 3h00
Temps sur la route: 3h15
Vitesse moyenne: 16 km/h
Vitesse max: 35 km/h


Vers Baños del Aguea:
(près de Corralillo)

Originellement, je devais faire cette étape comme deuxième partie de celle d´hier. Vu la difficulté, j´ai bien fait de m´arrêter à Cardenas hier midi ...

Et je voulais du soleil ? Et bien là je suis bien servi. Le soleil tape, et fort. Il y a aussi toujours ce sacré vent. Mais les étapes sont sympas quand même. Je navigue entre mer turquoise, palmeraies et champs de maïs.


Le but de cette étape était un hôtel de "luxe", ou en tout cas un "wannabe" hôtel de luxe. Piscine, spa, bains de boue, sources thermales. En fait, les nouvelles installations sont en réparation, donc on utilise les anciennes installations, à 400 mètres de l´hôtel, et ... c´est assez roots. Sources thermales dans des bâtiments en ruines avec 3 crabes morts qui flottent à la surface, après avoir franchi un portail rouillé et 400 mètres à pied dans les cailloux, couvert de la boue fraichement appliquée sur mon corps. Les prix, eux, ne sont pas roots du tout. Heureusement que j´ai été à bonne école pour négocier tous les prix (merci Ilhame).

Infos vélo:
Kilomètres du jour: 83
Kilomètres cumulés: 735
Départ: 7h30
Arrivée: 13h30
Temps sur le vélo: 5h15
Temps sur la route: 6h00
Vitesse moyenne: 16 km/h
Vitesse max: 40 km/h


Vers Santa Clara:
La ville emblématique du Che !

Le vent est tombé. Ouf ! Et le soleil est toujours là.

Après 33 km, je casse un rayon, et la roue se voile. Heureusement que j´ai pris des rayons de secours avec moi, car cette taille n´est pas standard.


Je ne le sais pas encore, mais dans 2 minutes, un rayon se cassera.

Je continue 80 km avec un rayon en moins.

Quand j´étais petit, j´allais m´instruire au Lycée Malherbe de Caen en vue de passer le baccalauréat. Ce lycée est censé être l´un des plus longs d´Europe avec ses 950 mètres de long (presque 1 km). En vélo, lorsque j´ai une longue ligne droite devant moi, pour calculer les distances, je me demande souvent "combien de Lycées Malherbe y a-t-il jusqu´au prochain virage?". Je compte en lycées Malherbe, et pas en kilomètres !

Bref, après 80 Lycées Malherbe de vélo, j´arrive jusqu´à Santa Clara, comme le Che 49 ans et 9 mois avant moi, mais lui dans un bain de sang, et moi, mes roues effleurant délicatement les pavés de la ville.

A Santa Clara, les effets du cyclone sont passés. La vie a repris ses droits, il y a de la musique partout, et la place centrale s´embrase dans une grande fiesta générale. Ma carte bleue ne fonctionne pas dans les distributeurs locaux, et avec $15 en poche et le ventre creux, si je veux être sûr de pouvoir manger le lendemain (sans compter que je suis passablement inquiet), je ne peux participer pleinement.

Infos vélo:
Kilomètres du jour: 112
Kilomètres cumulés: 847
Départ: 8h30
Arrivée: 16h30
Temps sur le vélo: 6h00
Temps sur la route: 8h00
Vitesse moyenne: 18 km/h
Vitesse max: 37 km/h


Vers Trinidad:

La route entre Santa Clara et Trinidad passe par des montagnes. Les gens avaient l´air affolés ("En serio? Te vas con bicicleta por las montañas?"). Maiiiis non, le sommet local est à 900m d´altitude, Santa Clara doit être à 200 ou 300m, c´est pas 600m de dénivelé qui vont me faire peur !

Oui, mais ce que je ne savais pas, c´est que les 600 mètres de dénivelé, j´allais les faire plusieurs fois. Je ne savais pas non plus que toute l´énergie mise à monter ces raides côtes pendant 50km, j´allais la perdre dans l´usage de mes freins dans une descente finale vers Trinidad de seulement 14 km. Trop raide pour ne pas freiner ...

Et je ne savais pas non plus que le souvenir maintenant lointain du cyclone allait se manifester à nouveau:



Route inondée !! Je l´ai traversée avec le vélo sur la tête. L´eau jusqu´à la poitrine à l´endroit le plus profond. L´aventure, quoi ! Et au moins, j´étais pas emmerdé par les voitures!

Arrivé à la descente finale vers Trinidad, on dirait une piste noire au sports d´hiver: hyper raide, bosselée et pleine de cailloux. Ma roue fraîchement dévoilée à Santa Clara se prend à la fois une bosse et un caillou et cette fois, en plus de voiler la roue, la jante morfle. Sévère. Et une jante abîmée, ca peut vouloir dire roue foutue.

Heureusement, le réparateur, à Trinidad, m´aidera à la remettre à peu près d´aplomb, même si elle est irrémédiablement fragilisée.

Un truc qui est rigolo à Cuba, c´est de découvrir la maison des gens lorsqu´on recherche un réparateur de vélo, un soudeur, un menuisier, une couturière, etc. Ce ne sont pas leur job officiel, juste leur deuxième job, à la maison, après le travail. Ca marche par le bouche à oreille. Si le collègue habite en face, on l´appelle de l´autre côté de la rue : "Enriiiiique ! Alguien con bicicleta !". Du coup je vois l´intérieur de la maison des gens, et parfois, c´est pas joli-joli. Je dis pas qu´il faut que tous aient une cuisine Schmidt avec meubles encastrés et une belle table en chêne dans le salon, mais un minimum de décoration, même manuelle, manque souvent cruellement.

En attendant, je me prends en photo en train de manger une "peso-pizza", une pizza de rue à $0.12:

Trinidad est la plus jolie ville que j´ai vue à Cuba. Mais je suis seul. Et dans cette prison, je ne fais aucune rencontre. C´est désespérant. Et les mojitos sont chers. Et pas forcément bons. Et les musiciens des bars jouent tous les mêmes musiques : "Hasta Siempre", "Guantanamera", "Chan-chan". Pffffff.

Infos vélo:
(Estimations car j´ai cassé le fil de mon vélocimètre au départ de l´étape).

Kilomètres du jour: 90 (?)
Kilomètres cumulés: 937
Départ: 8h10
Arrivée: 16h40
Temps sur le vélo: 6h30
Temps sur la route: 8h30
Vitesse moyenne: 14 km/h (?)
Vitesse max: ? km/h


Vers Cienfuegos:

Finies les montagnes ! Et le vent est cette fois plutôt dans mon dos ! Etape facile entre mer et montagne. Petite balade vers Cienfuegos, donc, avec baignade dans la mer chaude des Caraïbes.

Après la baignade, je reste sur le bord de la route à discuter avec 2 cyclistes français qui ont acheté leur matériel sur place. Donc pas de vitesses et 3 crevaisons par jour. Chacun vit son voyage vélo comme il l´entend.

A la fin de l´étape, c´est une course poursuite entre moi et l´orage qui me suit. J´arrive à Cienfuegos, sec, et l´orage éclate 1h plus tard.
Score: Nico : 1 / Orage : 0

Cienfuegos et au bord d´une bahia, avec une longue et étroite presqu´île. Je choisis une pension avec terrasse au bord de la bahia.

Au petit-déj, vue à droite:


Et vue à gauche:

Pas mal, non ?

Infos vélo:
Kilomètres du jour: 87
Kilomètres cumulés: 1024
Départ: 9h45
Arrivée: 15h45
Temps sur le vélo: 4h30
Temps sur la route: 6h00
Vitesse moyenne: 19 km/h
Vitesse max: 48 km/h


Retour à la Havane:

Je rentre à La Havane en bus, pour profiter de la capitale avant de quitter le pays.

Je m´installe dans une pension dans la vieille ville, en voulant profiter de la vie nocturne locale, qui s´avère très décevante. Les rares chalands des bars désertés sont des gringos. Je m´exile donc vers ma casa illégale de l´ouest de la ville, à Vedado.


A cet instant du séjour à Cuba, j´avais le moral assez bas, et j´étais très en colère contre le pays, le manque d´amabilité des habitants et la difficulté de rencontrer des locaux et des touristes (voir plus bas).


Lors de mon exil vers Vedado, le long du Malecón, je rencontre Rebecca, une anglaise à vélo, habituée de l´Ile, qui me fera passer les 2 derniers jours en compagnie de ses amis cubains. Salsa dans une disco sans touristes, à l´extérieur et au bord de la mer. Bon dîner à la maison (la VRAI maison, de VRAIS gens, pas les paladares, pseudo "chez l´habitant") avec le poisson acheté le matin par Rebecca. Puis le lendemain on a fait les courses dans un supermarché pour nous refaire un deuxième bon dîner à la maison et se finir au rhum sur le Malecón au bord de la mer. La vraie vie, quoi !

Bon, ces cubains-là sont un peu plus riches que les autres. Ils sont coiffeurs, et rien qu´en pourboire, ils gagnent en 2 jours le salaire mensuel moyen de leurs compatriotes. Et ils préparent leurs papiers pour, l´année prochaine, émigrer aux Etats-Unis rejoindre leurs parents. Son père à elle habite à Miami et est marié à la fille de Korda, le photographe de la révolution, celui qui a pris le cliché de Che Guevara célèbre dans le monde entier, essentiellement sous forme de t-shirts monochromes. Korda n´a pas touché un pesos, même nacional, de royalties. Hé, on est révolutionnaire socialisme ou on ne l´est pas !

Alors, pourquoi étais-je en colère contre ce pays?

Tout est contrôlé par le régime. Les touristes ont très peu de liberté et les locaux encore moins. On ne peut pas aller et venir comme on veut. Certains produits sont prohibés à la vente (boeuf, homard ...).

Le pays est très cher. Minimum $15-20 dollars la nuit après négociation (prix de départ souvent $30). $25 à La Havane. Et on ne peut pas dormir où on veut. Les locaux sans licence n´hébergent pas facilement les touristes, car ils ont très peur (j´ai essayé). Les transports, pour les touristes, sont 25 plus chers que pour les locaux. Idem les musées. Les repas sont soit hyper cheap ($0.2) et à la limite du mangeable, soit très chers ($8-10), et juste passablement corrects.

La plupart des gens (sauf exceptions, évidemment) avec lesquels on est en contact en tant que touristes ne nous parlent pas: ils nous aboient dessus. Et en anglais. Même pas "bonjour" avant d´aboyer. On dirait des français. Les locaux de la rue qui harcèlent le passant sont très très tenaces, ici. Bien plus que dans les autres pays. Ils n´hésitent pas à traverser la rue et à nous poser une même question 6 fois s´il le faut ("you want cigar, you want cigar, you want cigar, you want cigar, you want cigar, you want cigar?"). Six fois, c´est pesant. Les hôtes des pensions ne sont pas toujours très sympathiques. Et on nous vend ce système de pensions comme une façon de rencontrer des vrais locaux. Mon oeil. Ces locaux-là sont corrompus, gâchés par un contact quotidien avec les gringos que nous sommes et sont bien loin des "vrais locaux". Et ces pensions ayant 2 ou 3 chambres, pas plus, il est très difficile de rencontrer d´autres touristes. L´alternative ? Il n´y en a pas. Pas d´hôtels de backpackers ici. Ou alors les hôtels de luxe à $400 la nuit ...

C´est l´apartheid ici: il y a les hôtels pour cubains et les hôtels pour touristes, itou pour les pensions, les bus, les campings. Et les vases ne sont pas communiquant. De la ségrégation à l´état brut.

Quand on se rend dans un endroit traditionnellement fréquentés par les cubains (principalement les stands de glaces ou les fast-foods de rue), on nous regarde bizarrement au lieu de nous sourire et de nous aider dans cet environnement inconnu.
Un exemple, un seul: vers la fin du séjour, à mon retour à La Havane, après une première nuit dans ma pension, à 8h30 du matin, j´annonce au propriétaire que finalement, je ne resterai pas une seconde nuit. A 13h, en rentrant récupérer mes affaires (que j´avais bien empaquetées et mises dans un coin à 8h30) pour émigrer dans les quartiers ouest, la femme (qui mène en fait la boutique) m´interdira l´accès aux toilettes et me mettra littéralement à la porte en 2 temps 3 mouvements d´une façon des plus désagréables. Au bout d´une journée de tels comportements en série, je n´en pouvais plus!
Je ne blâme pas vraiment les Cubains ; je pense que moi aussi j´aurais l´humeur austère si je devais subir un tel régime, d´autant plus après s´être pris un cyclone dans la tête.

On peut toujours briser les règles, mais c´est long, usant, pénible, et c´est généralement une situation peu satisfaisante. Payer le ferry 1 peso au lieu de $1 à Cienfuegos, refuser le surcoût prohibitif pour le vélo dans le bus, négocier une pension de $35 à $15, etc.

Et pour finir, tout n´est pas négatif: La Isla Grande est magnifique, certains cubains sont très sympas et pas intéressés, le style colonial a besoin d´un coup de frais mais c´est magnifique ! Le pays est extrêmement sûr, et c´est bien reposant de ne plus être sur la défensive en permanence. Et c´est ici que j´aurai pris le plus de (belles?) photos et écrit un récit aussi long (n´est-ce pas, ceux qui ont réussi à lire jusqu´ici?).

Bref, Cuba n´est pas un pays pour routards, mais c´est tout de même très intéressant d´observer un régime tel que celui-là avant, qu´éventuellement, un jour, il disparaisse. Je suis évidemment très content d´être venu, même si ce n´est pas mon pays préféré pour rencontrer des gens.

En fait, il ne manque qu´une chose à Cuba: une seconde REVOLUCION !


Toutes les photos:
https://get.google.com/albumarchive/106721610106696768468/album/AF1QipOPkFEtEaiUWRHXNbaB9Cg7XThTbPc3qo6IN_QN

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Et ouaip, Cuba c'est bien pour y passer 2/3 semaines de vacances, mais pas forcement pour y faire du backpacking..